Renouveler régulièrement son cheptel truies est indispensable : un taux de renouvellement annuel de 40% du cheptel adulte est préconisé. En production biologique, les achats de cochettes de renouvellement sont limités du fait de la faible disponibilité de cochettes biologiques sur le marché. L’auto-renouvellement (au moins partiel) du troupeau est donc obligatoire, ce qui implique de bien maîtriser l’élevage des femelles de renouvellement et leurs critères de sélection.
Contexte de l'élevage biologique
L’introduction d’animaux non issus de l’AB dans un cheptel bio est possible uniquement lorsque les animaux bio ne sont pas disponibles. L’achat de cochettes nullipares non bio pour le renouvellement est possible dans la limite de 20% du cheptel adulte. Ce taux peut être porté à 40% dans certains cas particuliers et sous réserve de l’accord de l’organisme certificateur (extension de l’élevage, changement de race, …). Avec le nouveau règlement bio en 2022, des bases de données nationales devront être mises en place pour tenir à jour la disponibilité des cochettes biologiques pour satisfaire les besoins qualitatifs ou quantitatifs des agriculteurs en AB (sur le même modèle que pour les semences végétales).
Le taux de renouvellement annuel recommandé est de 40% du cheptel adulte. En production biologique, il est important de limiter le vieillissement du cheptel reproducteur. En effet, les truies plus âgées sont de gabarit plus important ce qui engendre des besoins alimentaires plus élevés et des risques accrus d’écrasement des porcelets. Un taux de renouvellement supérieur à 40 % n’est pas forcément pénalisant sur le plan économique car les truies de réforme bénéficient d’une bonne valorisation carcasse en production biologique. De plus, faire son autorenouvellement permet aussi d’élever plus de cochettes que nécessaire au renouvellement du cheptel. Les femelles non sélectionnées pour la reproduction seront vendues comme porcs charcutiers.
Prenons l’exemple d’un élevage de 50 truies, 20 femelles primipares doivent intégrer le cheptel chaque année. En l’absence de disponibilité de cochettes biologiques, l’achat de cochettes conventionnelles est limité à 20% maximum du cheptel, soit 10 femelles primipares par an. Les 10 autres femelles primipares doivent donc être auto-renouvelées. Il est également possible de produire la totalité des 20 femelles nécessaires par auto-renouvellement sans avoir recours à des achats extérieurs. Le choix de réaliser un auto-renouvellement complet ou partiel peut dépendre de la méthode retenue par l’éleveur (croisement alternatif ou noyau grand-parental).
Exemple de renouvellement pour un cheptel de 50 truies :
- Taux de renouvellement : 40 % =► Besoin annuel de 20 cochettes
- Achat limité à 20 % du cheptel =► Achat de 50*20%, soit 10 cochettes + autorenouvellement de 10 cochettes
- Si autorenouvellement 100 % =► Besoin annuel de 20 cochettes
Quelques définitions :
- Le type génétique d’un animal peut être une race pure (ex : Large-White) ou bien une lignée obtenue par croisement de plusieurs races différentes.
- La truie grand-parentale (GP) est utilisée pour produire des cochettes de renouvellement ; elle est donc inséminée avec des doses de semence de lignées maternelles (ex : Large White ou Landrace Français).
- La truie croisée ou truie hybride est issue du croisement entre plusieurs races pures. Les deux cas les plus fréquents sont :
- Truie F1 (truie de 1ère génération) : truie issue du croisement entre 2 races pures. (ex : une truie croisée Large White x Landrace Français).
- Truie F2 (truie de 2ème génération) : truie obtenue en croisant une truie F1 avec un verrat d’une race différente. Par exemple, une femelle 3 voies Duroc est issue d’un croisement entre une truie F1 (Landrace x Duroc) et un verrat Large-White.
Schéma du croisement conventionnel et biologique
Ci-contre le croisement utilisé majoritairement en production conventionnelle et biologique en France
Les autres types génétiques utilisés sont : femelles sino-européennes (27 %) et Duroc (1%) ; Mâles Duroc (3 % en 2017).
Deux méthodes d’auto-renouvellement
Le renouvellement par noyau grand-parental
Les truies grand-parentales sont toutes du même type génétique et sont toujours inséminées avec des semences d’un type génétique identique. Par exemple, on peut travailler avec un noyau grand parental de truies Large White qui sont toujours inséminées avec des semences de Landrace Français pour produire des cochettes croisées F1. En pratique, ces truies grand-parentales sont souvent regroupées dans certaines bandes.
Le principal avantage est la simplicité de gestion des inséminations artificielles pour le renouvellement (toujours le même type génétique) qui limite les risques d’erreurs. La principale difficulté réside dans le renouvellement du noyau grand-parental. La solution la plus simple est de le renouveler par achat à l’extérieur (par exemple dans le cadre de la dérogation de 20% maximum du cheptel adulte) mais dans ce cas l’élevage est dépendant de la disponibilité des cochettes sur le marché. Le progrès génétique est permis par la voie femelle (achat de reproducteurs à l’extérieur) et la voie mâle (achat de semence). De plus, l’éleveur peut plus rapidement faire évoluer les critères de sélection de son troupeau, modifier les choix de race…
En résumé :
- Les truies grand-parentales sont toutes du même type génétique
- La gestion du choix des semences d’IA est simplifiée (le type génétique utilisé est toujours le même)
- Le recours à des achats extérieurs est nécessaire pour renouveler le noyau grand-parental
- L’amélioration génétique est possible à la fois sur la voie femelle et sur la voie mâle
- Les truies GP sont regroupées en nombre plus important dans certaines bandes.
Le renouvellement par croisement alternatif
Les truies grand-parentales sont des truies croisées (ex : Large White x Landrace Français) qui sont inséminées alternativement avec l’une ou l’autre des 2 races pures qui composent le croisement. A chaque nouvelle génération, les truies issues d’un père Large White sont inséminées avec de la semence Landrace Français et vice versa.
Le principal point de vigilance est la rigueur nécessaire dans la gestion des inséminations artificielles pour le renouvellement pour limiter les risques d’erreurs. En effet, il faut utiliser la semence appropriée en fonction du type génétique de la truie. Le progrès génétique est permis seulement par la voie male (achat de semence). En contrepartie, il n’est pas nécessaire d’entretenir et de renouveler un noyau grand-parental. Cette méthode permet donc d’auto-renouveler facilement la totalité du cheptel sans avoir recours à des achats extérieurs.
En résumé :
- Les truies grand-parentales sont de types génétiques différents selon la race de leur père
- La gestion du choix des semences d’IA est complexe (à choisir selon la race du père de la truie à inséminer)
- Le recours à des achats extérieurs n’est pas nécessaire
- Le progrès génétique n’est possible que sur la voie mâle
- Les truies GP sont réparties en petit nombre dans toutes les bandes.
Comment choisir ses femelles de renouvellement ?
Choix des truies grand-parentales
Les truies grand-parentales sont choisies parmi les truies déjà en production dans l’élevage, généralement à partir de leur 2ème ou 3ème portée. Elles sont évidemment choisies en fonction de leur type génétique mais pas uniquement. Le choix s’appuie également sur les performances de leurs portées précédentes : productivité, prolificité, comportement maternel ou encore comportement envers l’homme.
Un test simple peut être effectué sur les truies à l’entrée en maternité pour évaluer leur comportement envers l’homme.
Choix des cochettes de renouvellement
Les filles des truies grand-parentales sont triées en fin de période d’engraissement vers 180 jours d’âge environ. Elles sont choisies selon différents critères : le gabarit (ni trop grosse ni trop petite), l’absence de défaut morphologique majeur ou de blessures, la qualité des aplombs, le nombre de tétines (au moins 14) ou encore leur comportement (élimination des femelles craintives ou agressives). Le taux de sélection optimal des cochettes est de 50 %. Les cochettes non retenues pour l’auto-renouvellement sont envoyées à l’abattoir tandis que les cochettes sélectionnées sont identifiées avec une boucle de reproducteur et peuvent recevoir leur primo-vaccination (parvovirose, rouget voire leptospirose).
Calcul des besoins d’auto-renouvellement pour un élevage de 50 truies
Le taux de renouvellement annuel est de 40% : 20 femelles primipares entrées par an seront nécessaires (50 x 0,4). Pour chaque portée issue d’une truie grand-parentale, la descendance apte au renouvellement peut être estimée de la manière suivante :
- 1 portée issue d’une truie GP ≈ 10 porcelets sevrés, dont la moitié sont des femelles
donc 5 femelles sevrées / portée - Le taux de mortalité sevrage-vente est de 5%, donc il resterait :
5 * 0,95 = 4,5 femelles élevées / portée - Il faut sélectionner les meilleures femelles parmi celles qui sont élevées (décider lesquelles peuvent être utilisées pour le renouvellement et lesquelles vont à l’abattoir). Un taux de sélection optimal est de 50% :
4,5 femelles élevées x 0,5 = 2,25 cochettes de renouvellement produites par portée
Ces paramètres peuvent varier mais il est généralement estimé que chaque portée issue d’une truie grand-parentale permet d’obtenir 2 ou 3 cochettes aptes au renouvellement. Dans l’exemple, pour produire 20 femelles primipares, il faudrait donc chaque année 8 ou 9 portées issues de truies grand-parentales.
Il faut ensuite tenir compte du taux de fécondation pour calculer le nombre de truies grand-parentales à inséminer chaque année. Avec un taux de fécondation de 85% par exemple, cette exploitation aurait besoin d’inséminer chaque année au moins 10 truies grand-parentales.
En pratique, selon la conduite en bandes et le taux de réussite à l’IA de l’élevage, les truies GP peuvent être soient regroupées en plus grand nombre dans certaines bandes soit réparties en petit nombre dans toutes les bandes.
Comment élever les femelles de renouvellement ?
La vie de ma cochette bio
La vie d’une future reproductrice est jalonnée de différentes étapes clés. Retrouvez en vidéo la vie d’une cochette de renouvellement sur la ferme expérimentale porcine des Trinottières.
Logement des femelles achetées à l’extérieur de l’élevage
Il faut prévoir une quarantaine pour les femelles achetées à l’extérieur. La quarantaine peut être réalisée soit dans un hangar disposant d’un petit parc, soit dans une parcelle dédiée disposant de son abri correspondant. Elle est d’autant plus efficace que la facilité de contrôle et d’observation est meilleure ; il est très important qu’elle soit le plus éloignée possible des autres animaux de l’élevage en tenant compte également de la direction des vents dominants.
Si les truies destinées à l’élevage plein air proviennent d’un élevage en bâtiment, il faudra les entraîner à reconnaître le fil électrique. Une solution consiste à les introduire sur une parcelle disposant d’une clôture électrique rendue bien visible (ex : accrocher de la rubalise en différents points de la clôture électrique).
L’identification des filles issues de truies grand-parentales
L’identification des femelles est indispensable et peut être réalisée en 3 étapes :
- sous la mère avec des boucles porcelets numérotées
- au moment du sevrage avec un tatouage à l’oreille
- au moment du tri (vers 180 jours d’âge) avec la pose d’une boucle de reproducteur (type identification bovine)
Cette identification assure la traçabilité afin de conserver les informations sur la généalogie de la femelle : race de la mère, race du père…
Le logement et l’alimentation des cochettes
Ils sont différents de ceux des porcs charcutiers. Contrairement à un porc charcutier abattu jeune, la future cochette doit recevoir un aliment adapté pour le bon développement de son squelette. Ainsi il est conseillé d’élever les cochettes séparément des autres porcs de l’élevage dès la période de finition (à partir de 70 kg de poids vif). En effet, en plus d’utiliser un aliment finition spécifique (riche en minéraux et vitamines), il faut également appliquer un rationnement alimentaire plus sévère pour limiter la vitesse de croissance Il faut donc prévoir un logement spécifique pour les femelles de renouvellement.
Le nombre de femelles élevées pour le renouvellement
C’est le résultat d’un compromis. Plus on élève de femelles et plus la sélection des meilleures femelles au moment du tri sera efficace. A l’inverse, plus on élève de femelles et plus on produit également de mâles issus de truies GP (frères de portée des femelles de renouvellement) qui présenteront des carcasses plus grasses et seront donc moins bien valorisés à l’abattoir.
Zoom sur le verrat en élevage bio
Pour rappel, les reproducteurs mâles non bio sont autorisés à condition toutefois qu’ils soient élevés selon la réglementation biologique.
Par rapport à l’insémination artificielle (autorisée avec de la semence conventionnelle), cette méthode offre plusieurs avantages, mais aussi quelques inconvénients.
Si l’insémination est de plus en plus utilisée sur le terrain, la présence d’au moins un verrat dans l’élevage est toutefois nécessaire pour détecter les chaleurs des truies. Les truies décalées ou en retour peuvent également être saillies.
A retenir
Le taux de renouvellement annuel recommandé est de 40% du cheptel adulte.
Chaque portée de truie grand-parentale produit seulement 2 à 3 cochettes aptes au renouvellement
Les truies grand-parentales sont choisies en fonction des performances de leurs portées antérieures
Les cochettes de renouvellement sont choisies sur des critères morphologiques ou comportementaux
Le renouvellement par noyau grand parental nécessite un recours à des achats extérieurs mais simplifie la gestion des inséminations
Le renouvellement par croisement alternatif nécessite une grande rigueur dans la gestion des inséminations mais évite d’avoir recours à des achats extérieurs